A peine fut-il hors du village, que le maire dit a tout le monde: –allez chercher

Il faut qu’on le prenne et qu’on me le mette dans la prison. Et se tournant vers le garde: –Toi, bats le rappel sur la caisse pour assembler le monde et dis au cure de sonner le tocsin, comme pour le feu! Ainsi fut fait, et quand tous, armes de batons et de fusils, et les enfants de leurs frondes, se furent ramasses au milieu de la place, au son d’un tambour sur lequel le garde executait des ran-tan-plan terribles, le maire dit aux enfants: –A present, montez au sommet du village (Gonfaron est bati sur un mamelon) et de la-haut, vous verrez quelle direction il a prise, ce maoufatan! Et nous pourrons alors le joindre a coup sur. La petite armee enfantine monta au sommet du village. –Il a pris le chemin des Mayons-du-Luc. Il traverse la plaine, il a bien trois quarts de lieue d’avance. –Suivez-moi, dit le maire, en avant! Et que personne ne recule. Pendant ce temps, Maurin se disait: –Quand le peuple se mele d’etre bete, pechere! il ne connait plus rien. Je les ai mis en revolution pour peu de chose. .

.

Te, ve, un ane! Il s’arreta, voyant a quelques pas devant lui un fils d’anesse, pas plus gros qu’un gros chien et qui broutait l’herbe des bords du chemin, attache par le cou au tronc d’un vieil olivier. L’ane etait tout bate. –Il me vient une idee drole, dit Maurin, car je vois la-bas que les bougres se sont mis a ma poursuite. Deux cents contre un, les braves! Son idee, il l’executa sans plus de reflexion. Avec la corde, qui etait longue et solide, il fit au bastet comme qui dirait une anse, attachee par un bout au pommeau, par l’autre au troussequin. Au milieu de cette anse, il fixa l’extremite de la corde doublee, et, faisant passer cette corde doublee par-dessus une maitresse branche horizontale et basse, il hissa l’ane dans l’olivier, comme on hisse un seau dans un puits; ensuite il amarra la corde au tronc de l’arbre et la bete resta suspendue, l’air plus bete qu’avant, a trois pieds au-dessus du sol.

La pauvre creature ne disait rien, et, ses quatre jambes pendantes comme des pattes de poulpe mort, l’ane penchait sa tete piteusement vers la terre et vers les chardons rares qu’il regrettait. Et puis, il se mit bien involontairement a tourner au bout de sa corde, comme la fleche d’un vire-vire de foire. Et Maurin dit: –Au moins une fois dans leur vie, ils en auront vu un en l’air, d’ane! je leur devais bien ca.

Il coupa de son couteau les quatre ailes des deux perdreaux qui lui restaient et, proprement maintenues bien ouvertes par une baguette ou il les avait liees d’un fil de fer, il les fixa en deux tours de main aux deux cotes de la croupiere. –Arrange ainsi, fit Maurin en s’eloignant et se retournant plusieurs fois pour admirer son ouvrage, il a bien l’air d’une hirondelle! Et il fila avec ses longues jambes. . .

Quand l’avant-garde de ses ennemis apercut cet ane volant, drive master la corde lui etant cachee par les branches de l’olivier, elle s’arreta stupefaite. –Diable! dit un Gonfaronnais qui etait ne aux Martigues, peut-etre que cet homme n’a pas menti, et que des fois, il y en a qui volent, des anes! –Ah ca! vai! dirent les autres, il y a, la-dessous, quelque malice.