Ces guerillas ne bornerent pas la leurs exploits: elles entreprirent d’ecumer les routes, de devaliser les

Nous devons ajouter, pour etre justes, que, de son cote, Miramon ne se faisait pas faute d’employer les memes moyens lorsque les occasions s’en presentaient, mais elles etaient rares, sa position n’etait pas aussi avantageuse que celle de JuArez pour pecher, avec de veritables benefices, en eau trouble. Il est vrai que les guerilleros agissaient en apparence de leur propre mouvement, qu’ils etaient hautement desapprouves par les deux gouvernements qui feignaient dans certaines occasions de sevir contre eux, mais le voile etait tellement transparent que cette comedie ne trompait personne. Le Mexique se trouvait ainsi transforme de fait en une immense caverne de brigands, ou la moitie de la population pillait et assassinait l’autre, telle etait la situation politique de ce malheureux pays a l’epoque dont nous parlons; il est douteux qu’elle ait beaucoup change depuis, a moins que ce ne soit pour empirer encore. Le jour meme ou commence notre histoire, au moment ou le soleil encore au-dessous de l’horizon commencait a rayer le bleu sombre du ciel d’etincelantes gerbes de pourpre et d’or, un rancho, construit en roseaux juxtaposes et ressemblant, bien qu’il fut assez vaste, a une cage a poulets, offrait un aspect anime fort singulier a une heure aussi matinale. Ce rancho construit au milieu d’un fouillis de verdure dans une delicieuse situation, a quelques pas a peine du le site Rincon Grande, avait depuis peu ete change en _venta_ ou auberge pour les voyageurs surpris par la nuit ou qui, pour une raison quelconque, preferaient s’y arreter au lieu de pousser jusqu’a la ville. Sur un espace de terrain assez grand laisse libre devant la venta, les ballots de plusieurs convois de mules etaient ranges en demi-cercle et empiles les uns sur les autres avec une certaine symetrie; au milieu du cercle, les arrieros accroupis pres du feu boucanaient du tasajo pour leur dejeuner ou reparaient les bats de leurs animaux qui, separes par troupes, mangeaient leur provende de mais placee sur des _frazadas_ etendues sur le sol. Une berline, chargee de malles et de cartons, etait remisee a l’ecart aupres d’une diligence qu’un accident arrive a une de ses roues avait contraint de s’arreter en cet endroit.

Plusieurs voyageurs, qui avaient passe la nuit en plein air roules dans leurs zarapes, commencaient a s’eveiller, d’autres allaient et venaient en fumant leur papelitos; quelques-uns, plus alertes, avaient deja selle leurs chevaux et s’eloignaient au galop dans differentes directions. Bientot le mayoral de la diligence sortit de dessous sa voiture ou il avait dormi enfoui dans l’herbe, donna a manger a ses betes, pansa les blessures faites par les harnais, les attela, puis il se mit a appeler ses voyageurs; ceux-ci reveilles par ses cris sortirent a demi eveilles de la venta et allerent prendre leurs places dans la voiture. Ils etaient au nombre de neuf, a l’exception de deux individus vetus a l’europeenne et faciles a reconnaitre pour Francais. Tous les autres portaient le costume mexicain et paraissaient etre de veritables _hijos del pais_, c’est-a-dire des enfants du pays.