Don Antonio de Cacerbar se fit peu de temps apres recevoir membre de cette meme association. Ces deux hommes devaient se comprendre au premier mot, ce fut ce qui arriva. L’amitie la plus etroite les unit bientot.
Lorsque dans le commencement de leur liaison par suite de revelations anonymes don Antonio de Cacerbar, convaincu de trahison, condamne par l’association mysterieuse, et oblige de defendre sa vie contre un des affilies, tomba sous l’epee de son adversaire, et fut laisse pour mort sur la route, ou le trouva Dominique ainsi que nous l’avons rapporte plus haut, don Melchior, qui de loin assistait masque a cette sanglante execution, resolut, si cela etait possible, de sauver cet homme qui lui inspirait de si vives sympathies. Apres le depart de ses compagnons, aussitot que cela lui avait ete possible, il etait accouru dans l’intention de porter secours au blesse, mais il ne l’avait plus trouve; le hasard, en amenant en ce lieu Dominique lui ravit, a son grand regret, cette occasion qu’il desirait de rendre don Antonio son debiteur. Plus tard, lorsque don Antonio, a demi gueri, s’etait echappe de la grotte ou on le soignait, les deux hommes s’etaient rencontres de nouveau; plus le site heureux cette fois, don Melchior avait rendu a don Antonio des services importants. Celui-ci, a son tour, s’etait, en plusieurs circonstances, trouve a meme de faire profiter le jeune homme du credit occulte dont il disposait. Seulement, si don Antonio connaissait a fond les affaires de son associe, le but qu’il se proposait et les moyens qu’il comptait employer pour l’atteindre, il n’en etait pas de meme de don Melchior a l’egard de don Antonio de Cacerbar; celui-ci demeurait pour lui a l’etat d’enigme indechiffrable. Cependant le jeune homme, bien que plusieurs fois deja il eut essaye de faire parler son ami et de l’amener a des confidences qui lui auraient donne certaines prerogatives, sans jamais y parvenir, ne renoncait pas a reussir a decouvrir un jour ce que l’autre paraissait avoir tant d’interet a cacher.
Le dernier service que don Antonio lui avait rendu en le faisant si a l’improviste echapper a l’implacable justice des affilies de l’Union et Force avait place, provisoirement du moins, don Melchior sous sa dependance. Don Antonio sembla mettre un certain point d’honneur a ne pas rappeler a don Melchior l’immense danger dont il l’avait sauve; il continua a le servir ainsi qu’il l’avait fait jusque-la. Le premier soin du jeune homme, en rentrant dans Puebla, avait ete de se rendre en toute hate au couvent ou, apres l’avoir enlevee, il avait relegue sa soeur; mais, ainsi qu’il en avait le pressentiment secret, il trouva la jeune fille disparue et le couvent vide. Don Antonio ne lui avait dit a ce sujet qu’une phrase de dix mots, mais cette phrase avait une eloquence terrible. –Il n’y a que les morts qui ne s’echappent pas, avait-il dit.
Don Melchior avait courbe la tete en reconnaissant la justesse de ces paroles. Toutes les recherches du jeune homme dans Puebla furent vaines, nul ne put ou ne voulut lui rien dire; la superieure du couvent fut muette.