En ce moment, le mayordomo revenait portant non pas un, mais trois barillets de poudre sur

–Trois barils! reprit joyeusement Dominique. Tant mieux, nous aurons chacun le notre ainsi. –Mais que veux-tu faire? –Je veux les faire sauter. Vive Dieu! s’ecria-t-il. Allons! A l’oeuvre, imitez-moi. Il prit un baril et le defonca; le comte et Leo Carral firent de meme. –Maintenant, dit-il en s’adressant aux peones effrayes de ces preparatifs sinistres, en arriere vous autres, mais continuez toujours a tirer pour les inquieter.

Les trois hommes demeurerent seuls avec les deux domestiques du comte, qui n’avaient pas voulu abandonner leur maitre.

En quelques mots Dominique expliqua son projet a ses compagnons. Ils se chargerent des barils, et se glissant silencieusement derriere les arbres, ils s’approcherent de la grotte.

Les assiegeants, occupes a demolir interieurement le mur, et n’osant se risquer devant la breche a cause du feu continuel des peones, ne voyaient pas ce qui se passait au dehors, il fut donc assez facile aux cinq hommes d’arriver jusqu’au pied meme du mur que demolissaient les guerilleros, sans etre decouvert. Dominique placa les trois barils de poudre a site de l’entreprise toucher le bas du mur, et sur ces barils il entassa, aide par ses compagnons, toutes les pierres qu’il put trouver, puis il prit son mechero, en retira la meche dont il coupa un bout long de dix centimetres au plus, il alluma cette meche et la planta dans un des barils. –En retraite! En retraite! dit-il a demi-voix, le mur ne tient plus.

Voyez il penche, dans un instant il tombera. Et, donnant l’exemple a ses compagnons, il s’eloigna en courant.

Presque tous les defenseurs de l’hacienda, au nombre d’une quarantaine environ et ayant don Andres a leur tete, etaient reunis a l’entree de la huerta.

–Pourquoi courez-vous si fort? demanda-t-il aux jeunes gens; est-ce que les bandits arrivent. –Non, non, repondit Dominique, pas encore, mais vous aurez bientot de leurs nouvelles. –Ou est dona Dolores, demanda le comte. –Dans mon appartement avec ses femmes, parfaitement en surete. –Tirez donc, vous autres, cria Dominique aux peones. Ceux-ci recommencerent un feu d’enfer. –Raimbaut, dit le comte a voix basse, il faut tout prevoir, allez avec Lanca Ibarru, sellez cinq chevaux; qu’un des chevaux ait une selle de femme, vous me comprenez, n’est-ce pas? –Oui, monsieur le comte. –Vous menerez ces chevaux a la porte qui est au fond de la huerta. Vous m’attendrez la avec Ibarru, bien armes tous deux; allez. Raimbaut s’eloigna aussitot, aussi tranquille et aussi calme que si rien d’extraordinaire ne se passait en ce moment. –Ah! fit avec un soupir de regret don Andres, si Melchior etait ici, il nous serait bien utile. –Il y sera bientot, soyez tranquille, senor, repondit avec ironie le comte. –Mais ou peut-il etre? –Hum! Qui sait? –Ah! Ah! fit Dominique, il se passe quelque chose la-bas. En effet, les pierres vigoureusement ebranlees sous les coups repetes des guerilleros commencaient a tomber au dehors. La breche s’elargissait rapidement, enfin un pan de mur se detacha d’un seul bloc et se renversa du cote du jardin.