. . –Brisons la, je vous prie, interrompit le comte, ce qui est fait est irreparable, quant a present du moins, il est donc inutile de nous appesantir davantage sur ce sujet. Cuellar s’inclina. –Un mot, senor conde, dit-il a voix basse. Le jeune homme s’avanca vers lui. –Laissez-moi, reprit le guerillero, avant de nous separer vous donner un avis. –J’ecoute, senor. –Vous etes encore loin de Puebla, ou vous n’arriverez pas avant deux heures: soyez sur vos gardes, surveillez avec soin la campagne autour de vous. –Que voulez-vous dire, senor? –On ne sait pas ce qui peut survenir; je vous le repete, veillez. –Adieu, senor, repondit machinalement le jeune homme en lui rendant son salut. Apres avoir ainsi pris courtoisement conge de ses compagnons de route, le guerillero se mit a la tete de ses soldats et s’eloigna au galop, non toutefois sans avoir, par un geste significatif, recommande la prudence au jeune homme. Le comte le regarda s’eloigner d’un air pensif. –Qu’as-tu donc, ami? lui demanda Dominique. Ludovic lui rapporta ce que Cuellar lui avait dit en le quittant. Le vaquero fronca le sourcil. –Il y a quelque anguille sous roche, dit-il; dans tous les cas, l’avis est bon, et nous aurions tort de le drive-master.com negliger. XVIII LE GUET-APENS Pendant quelques minutes encore, apres le depart du guerillero, la triste caravane continua silencieusement sa route. Cependant les dernieres paroles prononcees par Cuellar avaient porte; le comte et le vaquero se sentaient inquiets, malgre eux et sans oser se communiquer leurs sombres pressentiments, ils n’avancaient qu’avec une excessive prudence, humant l’air pour ainsi dire et tressaillant au moindre bruissement suspect dans les halliers.
Il etait un peu plus de cinq heures du matin, on etait a cette minute extreme, ou la nature semble pour un instant se recueillir, et ou le jour et la nuit luttant a force presqu’egale se fondent l’un dans l’autre et produisent cette lueur d’opale, dont les teintes vaporeuses pretent aux objets une apparence vague et indeterminee qui leur donne quelque chose de fantastique, une vapeur grisatre montait de la terre vers le ciel et produisait un brouillard transparent que les rayons de plus en plus forts du soleil dechiraient par place, illuminant une partie du paysage et laissant l’autre dans l’ombre; en un mot, ce n’etait plus la nuit sans etre encore le jour. Au loin, les domes nombreux des edifices de Puebla apparaissaient, se detachant en masses confuses sur le bleu sombre du ciel; les arbres laves par l’abondante rosee de la nuit etaient plus verts; a chacune de leurs feuilles tremblotait une gouttelette d’eau cristalline et leurs branches agitees par la brise matinale s’entrechoquaient doucement avec de mysterieux murmures; deja les oiseaux blottis sous la feuillee preludaient par de petits cris d’appel a leurs joyeux concerts, et les boeufs sauvages elevaient ca et la leurs tetes effarees au-dessus des hautes herbes en poussant de sourds mugissements.
Les fugitifs suivaient un sentier tortueux assez profondement encaisse a droite et a gauche par des soulevements factices du terrain occasionnes par la culture des agaves qui limitaient l’horizon a un cercle excessivement restreint et empechaient de surveiller les environs aussi serieusement que peut-etre il eut ete necessaire de le faire pour la surete generale de la caravane.