Juarez est un indien cauteleux, ruse et profondement dissimule; politique habile, c’est le seul president de

Sorti des rangs infimes de la societe mexicaine, il s’eleva peu a peu a force de tenacite au poste eminent qu’il occupe aujourd’hui; connaissant mieux que personne le caractere de la nation qu’il pretendait gouverner, nul ne savait aussi bien que lui flatter les passions populaires et exciter l’enthousiasme des masses. Doue d’une ambition demesuree qu’il cachait avec soin sous les dehors d’un amour profond pour sa patrie, il avait reussi a se creer peu a peu un parti qui a l’epoque dont nous parlons etait devenu formidable. Le president constitutionnel avait organise son gouvernement a la Veracruz et guerroyait du fond de drive-master.com son cabinet par ses generaux contre Miramon. Bien qu’il ne fut reconnu par aucune puissance, excepte par les etats-Unis, il agissait comme s’il eut ete le veritable et legitime depositaire du pouvoir de la nation; l’adhesion de Zuloaga qu’il meprisait au fond du coeur a cause de sa couardise et de sa nullite lui fournit l’arme dont il avait besoin pour mener ses projets a bonne fin; il en fit en quelque sorte l’enseigne de son parti, pretendant que Zuloaga devait d’abord etre reintegre au pouvoir dont il avait ete violemment arrache par Miramon, puis qu’on procederait a de nouvelles elections. Du reste, Zuloaga n’hesita pas a le reconnaitre solennellement comme seul president, legitimement nomme par l’election libre des citoyens. La question etait nettement tranchee: Miramon representait le parti conservateur, c’est-a-dire celui du clerge, des grands proprietaires et du haut commerce; JuArez representait, lui, le parti democratique absolu. La guerre prit alors des proportions formidables. Malheureusement pour faire la guerre il faut de l’argent, et l’argent etait ce dont JuArez manquait totalement; voici pour quelle raison.

Au Mexique, la fortune publique n’est pas concentree entre les mains du gouvernement; chaque etat, chaque province conserve la libre disposition et le maniement des fonds particuliers des villes qui font partie de son territoire, de sorte que, au lieu que ce soient les provinces qui dependent du gouvernement, c’est au contraire le gouvernement et la metropole qui subissent le joug des provinces qui, lorsqu’elles se revoltent, arretent ainsi les subsides et placent le pouvoir dans une situation critique; de plus, les deux tiers de la fortune publique se trouvent entre les mains du clerge qui se garde bien de s’en dessaisir et qui, ne payant pas d’impots ni d’obligations d’aucunes sortes, se borne a preter son argent a un taux assez eleve et a faire ostensiblement une usure qui l’enrichit encore sans qu’il risque jamais de perdre son capital. JuArez, bien que maitre de la Veracruz, se trouvait donc dans une situation fort difficile, mais il est homme de ressource avant tout, et l’argent qui lui manquait il ne fut nullement embarrasse pour le trouver. Il commenca d’abord par mettre la main sur la douane de la Veracruz, puis il organisa des cuadrillas ou guerillas, qui ne se firent aucun scrupule d’assaillir les haciendas des partisans de Miramon, des Espagnols fixes dans le pays et qui pour la plupart sont riches, et des etrangers de toutes les nations chez lesquels il y avait quelque chose de bon a prendre.