Le comte se rapprocha de dominique et se penchant legerement sur sa selle: –mon ami, lui

–C’est cette tranquillite, repondit sur le meme ton le jeune homme, qui comme toi me remplit d’une angoisse inexprimable; moi aussi j’ai le pressentiment d’un malheur, nous sommes ici dans un guepier, l’endroit est des mieux choisis pour une embuscade. –Que faire? murmura le comte. –Je ne sais trop, le cas est difficile, cependant je suis convaincu qu’il nous faut redoubler de prudence. Place don Andres et sa fille a l’avant-garde, avertis les peones de marcher la barbe sur l’epaule, le doigt sur la gachette des fusils, sois pret a la moindre alerte; pendant ce temps, j’irai, moi, a la decouverte, et si l’ennemi est a notre poursuite, je saurai le depister mais ne perdons pas un seul instant. Tout en parlant ainsi, le vaquero avait mis pied a terre, et apres avoir jete a un peon la bride de son cheval, il avait mis son fusil sous son bras gauche, avait gravi la pente de droite, et presqu’aussitot il avait disparu au milieu des buissons qui bordaient le sentier. Demeure seul, le comte se mit immediatement en devoir de suivre les conseils de son ami; en le site consequence, il forma des peones, les plus resolus et les mieux armes, une arriere-garde, en leur intimant l’ordre de surveiller attentivement les abords de la route, tout en leur dissimulant, de crainte de les effrayer, la gravite des evenements qu’il prevoyait. Le mayordomo, comme s’il eut devine les inquietudes du comte et eut partage ses soupcons d’une attaque prochaine, avait place don Andres et sa fille au milieu d’un petit groupe de serviteurs devoues dont il avait pris le commandement et pressant les chevaux il avait laisse entre lui et le gros de la caravane un intervalle d’une centaine de pas. Dona Dolores, accablee par les emotions terribles de la nuit, n’avait prete que fort peu d’attention aux dispositions prises par ses amis et avait suivi machinalement l’impulsion nouvelle qui lui avait ete donnee, n’ayant pas selon toute probabilite conscience du nouveau danger qui la menacait, et ne songeant qu’a une chose, veiller sur son pere dont l’etat de prostration devenait de plus en plus alarmant. En effet, depuis son depart de l’hacienda, malgre les prieres de sa fille, don Andres n’avait pas prononce une parole, le front pale, les yeux fixes et sans regard, la tete inclinee sur la poitrine, le corps agite par un tremblement nerveux continu, plonge dans un sombre desespoir, il laissait a son cheval le soin de le conduire sans paraitre savoir ou il allait, tant la douleur avait brise en lui toute energie et toute volonte. Leo Carral devoue a son maitre et a sa jeune maitresse et comprenant combien au cas probable d’une attaque le vieillard serait incapable d’opposer la moindre resistance, avait surtout recommande aux serviteurs qu’il avait choisis, pour servir d’escorte a don Andres, de ne pas le perdre de vue et au moment du combat d’essayer par tous les moyens de le sortir de la melee et de le mettre autant que possible a l’abri du peril, puis, sur un signe que le comte lui avait fait, il avait tourne bride et avait ete le rejoindre.