Le fils du fauconnier il y avait, vers l’an 1663, a quelques centaines de pas de

Une haie vive d’aubepine et de sureau entourait un jardin ou l’on voyait pele-mele des fleurs, des chevres et des enfants. Une demi-douzaine de poules avec leurs poussins caquetaient dans un coin entre les choux et les fraisiers; deux ou trois ruches, groupees sous des pechers, tournaient vers le soleil leurs cones odorants, tout bourdonnants d’abeilles, et ca et la, sur les branches de gros poiriers charges de fruits, roucoulait quelque beau ramier qui battait de l’aile autour de sa compagne.

La maisonnette avait un aspect frais et souriant qui rejouissait le coeur; la vigne vierge et le houblon tapissaient ses murs; sept parisclick.fr ou huit fenetres percees irregulierement, et toutes grandes ouvertes au midi, semblaient regarder la campagne avec bonhomie; un mince filet de fumee tremblait au bout de la cheminee, ou pendaient les tiges flexibles des parietaires, et a quelque heure du jour que l’on passat devant la maisonnette, on y entendait des cris joyeux d’enfants meles au chant du coq. Parmi ces enfants qui venaient la de tous les coins du faubourg, il y en avait trois qui appartenaient a Guillaume Grinedal, le maitre du logis: Jacques, Claudine et Pierre. Guillaume Grinedal, ou le pere Guillaume, comme on l’appelait familierement, etait bien le meilleur fauconnier qu’il y eut dans tout l’Artois; mais depuis longtemps deja il n’avait guere eu l’occasion d’exercer son savoir.

Durant la regence de la reine Anne d’Autriche, le seigneur d’Assonville, son maitre, ruine par les guerres, avait ete contraint de vendre ses terres; mais, avant de quitter le pays, voulant recompenser la fidelite de son vieux serviteur, il lui avait fait present de la maisonnette et du jardin. Le vieux Grinedal, se refusant a servir de nouveaux maitres, s’etait retire dans cette habitation, ou il vivait du produit de quelques travaux et de ses epargnes. Devenu veuf, le pere Guillaume ne pensait plus qu’a ses enfants, qu’il elevait aussi bien que ses moyens le lui permettaient et le plus honnetement du monde. Tant qu’ils furent petits, les enfants vecurent aussi libres que des papillons, se roulant sur l’herbe en ete, patinant sur la glace en hiver, et courant tete nue au soleil, par la pluie ou par le vent. Puis arriva le temps des etudes, qui consistaient a lire dans un grand livre sur les genoux du bonhomme Grinedal, et a ecrire sur une ardoise, ce qui n’empechait pas qu’on trouvat encore le loisir de ramasser les fraises dans les bois et les ecrevisses dans les ruisseaux. Jacques, l’aine de la famille, etait, a dix-sept ou dix-huit ans, un grand garcon qui paraissait en avoir plus de vingt. Il n’etait pas beau parleur, mais il agissait avec une hardiesse et une resolution extremes aussitot qu’il croyait etre dans son droit. Sa force le faisait redouter de tous les ecoliers du faubourg et de la banlieue, comme sa droiture l’en faisait aimer. On le prenait volontiers pour juge dans toutes les querelles d’enfants; Jacques rendait son arret, l’appuyait au besoin de quelques bons coups de poing, et tout le monde s’en retournait content.