Celui-ci vous seduit par le contraste qu’il forme avec les autres, voila tout; n’ayant jamais etudie la nature que dans une stalle de l’Opera, vous ne supposiez pas qu’elle put vous reserver de telles surprises; votre enthousiasme s’est subitement eleve a un diapason qui vous enivre, par la bizarrerie des contrastes qui s’offrent incessamment a vos voir la page regards, mais si, comme moi, vous aviez parcouru les hautes savanes de l’interieur, les prairies immenses ou errent en liberte les sauvages enfants de cette terre, que la civilisation a depossedes, comme moi vous n’auriez plus qu’un sourire de dedain pour les sites qui nous entourent et qu’en ce moment vous admirez si consciencieusement. –Ce que vous dites peut etre vrai, monsieur Olivier; malheureusement ces savanes et ces prairies dont vous parlez je ne les connais pas et jamais sans doute je ne les connaitrai. –Pourquoi donc? repliqua vivement le premier interlocuteur; vous etes jeune, riche, vigoureux, libre autant que je puis le supposer. Qui peut s’opposer a ce que vous tentiez une excursion dans le grand desert americain? Vous etes tout porte en ce moment pour mettre ce projet a execution; c’est un de ces voyages, reputes impossibles, dont vous pourrez plus tard parler avec orgueil lorsque vous serez de retour dans votre patrie. –Je le voudrais, repondit le comte avec une nuance de tristesse; malheureusement cela m’est impossible, mon voyage doit se terminer a Mexico. –A Mexico! fit avec etonnement Olivier. –Helas oui, monsieur! Cela est ainsi; je ne m’appartiens pas, je subis en ce moment l’influence d’une volonte etrangere. Je viens tout simplement dans ce pays pour me marier. –Vous marier? Au Mexique? Vous, monsieur le comte, s’ecria Olivier avec etonnement. –Mon Dieu oui, tout prosaiquement, avec une femme que je ne connais pas, qui ne me connait pas davantage et qui sans doute n’a pas plus d’amour pour moi que je n’en ai pour elle; nous sommes parents, nous avons ete fiances au berceau et maintenant le moment est arrive de tenir la promesse faite en notre nom par nos peres; voila tout. –Mais alors cette jeune personne est donc Francaise? –Pas le moins du monde, elle est Espagnole au contraire, je la crois meme un peu Mexicaine. –Mais vous etes Francais, vous, monsieur le comte? –Certes, et Francais de la Touraine encore, repondit-il en souriant.
–Mais alors, permettez-moi cette question, monsieur le comte, comment se fait-il. . . –Oh! Bien naturellement, allez; l’histoire ne sera pas longue, et puisque vous paraissez dispose a l’ecouter je vous la dirai en deux mots. Mon nom vous le connaissez, je suis le comte Ludovic Mahiet de la Saulay; ma famille, originaire de Touraine, est une des plus anciennes de cette province, elle remonte aux premiers Francs: un de mes ancetres fut, dit-on, un des leudes du roi Clovis qui lui fit don pour ses bons et vaillants services de vastes prairies bordees de saules d’ou plus tard ma famille tira son nom.
Je ne vous cite pas cette origine par un sentiment deplace d’orgueil.